Dragi Webdo n°494 : Recos ESC (dyslipidémie, péricartite, santé mentale), recos HAS (syphilis, gonocoque, chlamydia, mycoplasma), dépistages cardiovasculaires, anticoagulation, vaccin VRS, DRP/sinusite

Rédigé le 13/09/2025
Dr Agibus

Bonjour ! Voici un billet assez lourd à cause du congrès européen de cardiologie. Au programme: beaucoup de cardiologie, mais aussi beaucoup d'infectiologie, bonne lecture !

1/ Pharmacovigilance

Chez les patients avec coronaropathie stable stentée (pas SCA) et anticoagulation au long cours (90% de FA), cet essai randomisé français confirme encore une fois un sur-risque de l'association aspirine + anticoagulation par rapport à l'anticoagulation seul après 6 mois de l'association. L'étude a été arrêtée prématurément après environ 2 ans. Le critère composite cardiovasculaire est survenu chez 16.9% des patients sous aspirine + anticoagulant et 12.1% de ceux sous anticoagulant seul (NNH=21 patients), la mortalité toute cause était également augmentée (NNH=20 patients), tout comme les saignements cliniquement pertinents (NNH=15).

2/ Cardiovasculaire

On en attendait pas grand-chose, mais on est quand même déçu! Voici les recommandations ESC 2025 sur la prise en charge des dyslipidémies qui en sont toujours pas basées sur une méthode Grade avec revue systématique! Le score 2 et score 2 OP sont toujours recommandés pour évaluer le risque cardiovasculaire des patients. Malgré sa mention dans le texte, le score 2 diabètes n'est pas repris sur les figures récapitulatives, qui mentionnent uniquement un risque évalué par la durée du diabète et les complications microangiopathiques. Aux évaluations via le SCORE, s'ajoutent des facteurs qui peuvent "aggraver" le risque (ATCD familiaux < 55 ans chez le père et <60 ans chez la mère, stress, obésité, sédentarité, précarité, maladies auto-immunes, troubles psychiatriques, ménopause précoce, pré-éclampsie/HTA gravidique, SAOS, VIH, CRP-hs >2 ou Lp-A > 50mg/dL). 

Sur le plan thérapeutique, on reste sur une approche avec des cibles. Avec un grade I, un traitement est recommandé si LDL > 1,0g/L chez un patient à haut risque, ou > 0,7g/L à très haut risque (ce qui impliquerai de ne pas traiter quelqu'un à haut risque qui serait à l'objectif spontanément contrairement aux études montrant le bénéfice quel que soit le LDL inital). Avec un grade IIa, il est recommandé de traiter également les patients non à l'objectif malgré des RHD, y compris un patient à risque faible avec un LDL au dessus de 1,16g/L! L'ezetimibe est une option à ajouter quand l'objectif n'est pas atteint, et l'acide bempédoïque recommandé si l'objectif n'est atteint est une statine non tolérée. Une statine est recommandée chez tout patient avec VIH de plus de 40 ans. Les compléments alimentaires ne sont pas recommandés pour baisser le LDL.


Voici ensuite les recommandations ESC sur les myocardites et péricardites. On regrette que les algorithmes soient posés à partir de services d'urgences et pas trop du coté médecine générale. On parlera essentiellement des péricardites. Le diagnostic repose sur des symptômes cliniques (douleur thoracique majorée à la toux et à l'inspiration profonde) associés à au moins 1 facteurs associés (frottement péricardique, ECG avec sous décalage du PR ou sus-ST, CRP élevée, épanchement à l'ETT). Des signes d'insuffisance cardiaque droite, de tamponnade, une fièvre ou un échec du traitement initial sont des marqueurs de risque de complication élevé et ont une indication d'hospitalisation. Le bilan initial comporte NFS, CRP, NT-pro-BNP, troponine (plutôt myocardite si élevé), ECG, RXT et ETT.

Sur le plan thérapeutique, l'arrêt des activités physiques est la 1ère mesure à réaliser. Il est recommandé de traiter par ibuprofène 600-800 x 3/jour (donc doses antiinflammatoires et non antalgiques) pendant 1 à 2 semaines avant diminution progressive de 200mg toutes les 1-2 semaines. L'aspirine 1000x3/j, l'indométacine 25-50x3/j sont des options également. Les corticoïdes 0,2-0,5mg/kg/j sont indiqués si récidive ou persistance malgré le traitement initial. Il est recommandé d'associer aux anti-inflammatoires de la colchicine à 0,5mg x2/j (ou x1/j si < 70kg ou insuffisance rénale) pendant 3-6 mois pour réduire le risque de récidive. Les bêta-bloquants sont proposés si symptômes non soulagés et FC > 75/min

Dernière reco ESC, celle concernant le risque cardiovasculaire et la santé mentale. Beaucoup de choses connues en MG, mais c'est une reco qui devait manquer au catalogue ESC. Les auteurs reviennent sur l'intrication entre les deux: les maladies cardiovasculaires ont un retentissement psychologiques et les troubles psychologiques favorisent les maladies cardiovasculaires. Tous les troubles psy peuvent être impliqués: dépression, anxiété, antécédents de violences, solitude... Les tests les plus sensibles et spécifiques pour le dépistage des troubles dépressif sont le PHQ-2 (97% et 48%) et les 2 questions de Whooley (95% et 65%). En cas de traitement, il faut être vigilant: à la prise de poids majorant le risque cardiovasculaire, à l’allongement du QT (tachycardies ventriculaires avec citalopram/escitalopram >20mg et tricycliques), au risque de saignement lié à l’interaction IRS/antiagrégants et au risque d'insuffisance cardiaque avec IRSNA. La sertraline semble celle qui a le meilleur profil chez les patients avec maladie cardiovasculaire. Un QTc > 470ms doit faire prendre un avis avant l'introduction d'un traitement allongeant le QT, et un QTc > 500ms doit conduire à l'arrêter. Mais l'ECG à J0, puis 1 semaine, 6 semaines, et 3 mois, ça va être compliqué à mettre en place. Bien sûr, il faut encourager et accompagner l'arrêt du tabac (et là on est déçus qu'il n'abordent pas la balance bénéfice risque de la varénicline qui aurait été bien utile en pratique).

 On avait vu en 2022 l'inutilité des dépistages systématiques par ECG/IPS/score calcique. Voici DANCAVAS II, c'est pareil, un essai randomisé avec un dépistage par scanner évaluant le score calcique, les anévrismes aortiques et iliaques, un ECG, des IPS et une EAL+Glycémie à jeun. Après 7 ans de suivi, 5000 patients ont été invités au dépistage et 25 000 contrôles inclus. Il y a eu 33% des dépistés (vs 15%) qui ont eu de l'aspirine introduite, 44% (versus 30%) un traitement hypolipémiant et pas de différence sur les anticoagulants, ni les antihypertenseurs ni antidiabétiques. Au final, augmentation des saignements sévères chez les dépistés (NNH=113) et pas de différence sur la mortalité globale, ni sur les évènements cardiovasculaires.  Si on se concentre sur ce qui fait débat actuellement, utiliser le score calcique et traiter ne permet toujours pas de réduire les évènements cardiovasculaire! (Et oui, ça "marche" en per protocole, mais on ne conclue pas sur un per protocole pour ce type d'étude. Le per protocole est particulièrement intéressant pour évaluer les effets secondaires de traitements, pas pour évaluer l'efficacité d'une intervention)

Un essai randomisé a comparé un traitement anticoagulant par apixaban de 3 mois versus 15 mois (prolongé de 12 mois) dans le traitement des thromboses veineuses profondes avec facteur déclencheur majeur mais chez 600 patients ayant un facteur de risque de persistance (maladie auto-immune, maladie pulmonaire chronique, maladie cardio-vasculaire, obésité...). Dans le groupe traité, il y a eu une récidive chez 1,3% des patients versus 10% du groupe placebo (NNT=12). Il y a eu 1 saignement sévère sous apixaban (vs 0) et 4,8% (vs 1,7%) saignements significatifs non majeurs (NNH=32). A confirmer, mais il y a donc probablement un intérêt à prolonger le traitement chez ces patients.

 On avait déjà suspecté en étude observationnelle le faible bénéfice à prolonger anticoagulation dans la FA résolue. Cet essai randomisé a étudié la poursuite ou non de l'anticoagulation chez des patients ayant eu une ablation de FA. Il y a eu environ 800 patients avec un chadsvasc médian à 2, et un has-bled médian à 2 également suivis pendant 2 ans. Le critère composite (AVC, embolies, saignements majeurs) est survenu  chez 0,3% des patients non anticoagulés versus 2,2% des patients anticoagulés (NNH du maintien de l'anticoagulation : 53 patients en 2 ans), porté par les saignements majeurs. Nous verrons si les recommandations évoluent!

Les bêta-bloquants en post-infarctus sont-ils utiles? Il y a eu un grand nombre d'article sur le sujet sur le blog. Voici donc 2 essais randomisés qui ne vont toujours pas nous aider ! Le 1er article montre une efficacité des BB- en post infarctus chez des patients avec une FEVG > 40% (NNT= 46) sur le critère composite cardiovasculaire (porté uniquement par les infarctus du myocarde) après un suivi médian de 3,5 ans. Le 2ème article incluant également des patients en post-infarctus avec une FEVG > 40% ne montre pas de bénéfice après un suivi médian de 3,7 ans, ni sur le critère composite cardiovasculaire, ni sur les récidives d'infarctus. Bref, il faudrait une belle méta-analyse!

Alors qu'on a déjà les 5 médicaments "magiques" réduisant la mortalité cardiovasculaire voire totale dans l'IC à FE < 40% (bb-, iec/araII, spironolactone, inhibiteur de néprilysine et iSGLT2), voici un essai randomisé étudiant versus placebo, la digoxine (0,07mg initialement, et titré jsuqu'à 0,1mg pour une digoxinémie entre 10.5 et 23.6nmol/L). Le critère composite composé de la mortalité globale et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque était réduit avec un NNT 22 patients (soit 35 patients par an), mais aucun des 2 composants du critère n'étaient significatifs isolément. Les effets indésirables graves se sont produits chez 4,7% des patients sous digoxine versus 2,8% (NNH=52). Au total, bien que cela soit "efficace" sur le CJP composite, la balance bénéfice risque ne semble pas franchement positive.

3/ Infectiologie

Voici un nouvel essai randomisé étudiant un vaccin contre le VRS chez 130 000 patients de plus de 60 ans. Les auteurs trouvent une efficacité du vaccin sur les hospitalisations pour VRS de 83% (NNT=1800 patients). Dans les analyses secondaires, le vaccin réduisait les hospitalisations pour toute cause pulmonaire, mais n'était efficace que chez les 60-75 ans (pas après). Il y a eu 2,1% et 2,4% d'effets indésirables graves respectivement dans le groupe vaccin et le groupe placebo. C'est donc intéressant, mais vu le nombre de patients à vacciner, il est nécessaire d'avoir des études médico-économiques selon le prix du vaccin.

Voici maintenant un essai randomisé évaluant l'irrigation nasale saline dans la sinusite aigue! Les 2 groupes étaient "solution saline + antibiothérapie différée" versus "soins courants". Le groupe solution saline a eu des symptômes pendant 8 jours, a pris les antibiotiques pour 57% d'entre eux et 37% a reconsulté. Dans le groupe soins courants, les symptômes ont duré 5 jours, 40% ont pris des antibiotiques et 40% a reconsulté. Une étude qualitative a ensuite été réalisée chez les participants ayant fait les DRP, certains trouvant que c'était horrible, et d'autres bizarre mais pas si mal.

On reste dans le nez avec un essai randomisé testant l'azélastine en spray nasal en prévention du COVID! Et en effet, les patients prenant l'azélastine avaient moins de COVID confirmé par PCR et des COVID symptomatiques (NNT=23 patients pour ces 2 critères!)


Voici maintenant une petite série de recos HAS sur les IST. On commence par la syphilis! Le traitement de la syphillis précoce, soit toute syphilis primaire, secondaire ou latente de moins d'un an, repose sur la benzathine pénicilline G 2,4 MUI en IM, ou en cas de rupture doxycycline 200 mg/jour (en 1 ou 2 prises) pendant 14 jours. Pour les syphilis tardives, le BPG est à la dose de 2,4MUI en IM, en 3 injections espacées d'une semaine chacune, ou la doxycycline 200mg/j pendant 28 jours. Chez la femme enceinte, le traitement est le même mais en grade C car non étudié et il est possible de prévenir une éventuelle réaction de Jarisch-Herxheimer avec 40-60mg de prednisone pendant 3 jours et de n'administrer la BPG qu'après 24h de corticoïdes...  Il est recommandé de remplacer le solvant de la BPG par de la lidocaine 1% non adrénaliné et une surveillance de 30min après injections est recommandée. Les partenaires < 3 mois peuvent être traités immédiatement ou surveillés par sérologie J0, S6, M3, M6 et une surveillance pour ceux de plus de 3 mois est indiquée avant traitement : J0, M3, M6. Les rapports doivent être protégés pendant 7 jours ou jusqu'à cicatrisation du chancre. Le VDRL (test non tréponémique) après traitement est indiqué à M3 (vérifier absence réinfection), puis M6 (objectif: division du titre par 4) et M12 (penser à neuro syphilis si toujours > 8)

On continue avec le gonocoque ! Un traitement est indiqué si TAAN positif, culture positive ou rapport avec un partenaire infecté surtout si symptomatique. Tout TAAN positif doit donner lieu à une culture. Le traitement recommandé en cas d'atteinte urétrale ou oropharyngée est une monothérapie par ceftriaxone 1g IM. L'azithromycine 2g en dose unique n'est proposée en association qu'en cas de contamination en Asie-Pacifique. En cas d'allergie aux C3G, c'est la gentamicine 240 mg dose unique IM , voire ciprofloxacine 500mg dose unique (si antibiogramme compatible), et l'azithromycine 2g dose unique n'arrive qu'en 3ème alternative vu les résistances. Pour les infections génitales hautes chez la femme, on reste sur les recos des gynécologues: ceftriaxone 500 IM dose unique, doxycycline 100x2 10jours et metronidazole  500x2 10 jours. Un contrôle par TAAN à 14j minimum de la fin du traitement est recommandé si persistance ou traitement différent de la ceftriaxone. Les rapports doivent être protégés pendant 7 jours. Les partenaires < 14 jours symptomatiques sont à traiter (grade A) et asymptomatiques aussi (accord d'expert, AE). Pour ceux datant de plus de 14 jours, possibilité de traiter si risque de perdu de vue ou attente du dépistage.

Concernant les infections à Chlamydia trachomatis, elles peuvent être des urétrites, cervicites, infections génitales hautes, lymphogranulomatose vénérienne génitale (ulcération génitale discrète avec adénopathie inflammatoire inguinale évoluant vers la fistulisation) ou rectale (douleurs, écoulement, ténesme, rectorragie), conjonctivite néonatale (<15j de vie) et pharyngites. Le diagnostic repose sur un TAAN effectué sur un prélèvement local. Un dépistage est recommandé tous les 3 mois, multisite chez les HSH avec rapports multiples, et entre 15 et 25 ans en cas de grossesse ou de nouveau partenaire. Le traitement de 1ère intention dans les formes urogénitales non compliquée (urétrite/cervicite) ou ano-rectale ou oro-pharyngées est la doxycycline 100mg x2 pendant 7 jours (azithromycine 1g dose unique si allergie ou 2ème et 3ème trimestre de grossesse, et ofloxacine 200x2/j ou ciprofloxacine 500x1/j pendant 7 jours en dernier recours). Les auteurs rappellent que la doxycycline se prend sans s'allonger pendant 1 heure, avec un grand verre d'eau et nécessite une photoprotection (AE). Si orchiépididymite ou infection génitale haute, la doxycycline est prescrite pour 10 jours (14j si hospitalisation), et l'azithromycine 1g se fait à J1 et J7. Pour la LVG le traitement de doxycycline est de 21 jours. Un TAAN de contrôle est recommandé à 4 semaines si grossesse, persistance de symptômes ou en cas d'utilisation des traitements de 2ème lignes pour les infections rectales et LVG. Les partenaires dans les 6 mois doivent être dépistés (traitement d'emblée possible si < 14 jours).

Finissons sur le mycoplasma genitalium.  Il ne doit être recherché et traité qu'en cas d'infections génitales ou rectales symptomatiques aiguës ou persistantes.  Il est nécessaire de traiter les partenaires infectés même asymptomatiques (seule exception). Un contrôle du traitement n'est pas nécessaire sauf si persistance des symptômes 3 semaines après la fin du traitement. En cas d'autres co-infections, leur traitement est prioritaire. Le dépistage est fait par un TAAN qui soit être obligatoirement complété d'un test de résistance aux macrolides. Le traitement repose sur la doxycycline 100mg x 2 par jour pendant 7 jours prescrite dans le cadre d'un traitement "syndromique"(symptômes intenses et invalidant), puis si azithromycine 1g à J1 puis 500mg à J2 et J3 en l'absence de résistance. Si résistance : moxifloxacine 400mg/j pendant 7 jours. D'autres schémas plus complexes existent en cas de double résistance.


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@Dr_Agibus et @DrePétronille