Dépistage des troubles visuels de l'enfant

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Rédigé le 14/01/2020
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Les dernières recommandations de dépistage des troubles visuels de l’enfant datent de 2002, par le biais des recommandations HAS. Elles ont permis de faire considérablement reculer le nombre d’enfants amblyopes et d’améliorer la prise en charge précoce des enfants présentant des troubles visuels. Mais elles ne pouvaient tenir compte de l’arrivée d’outils de dépistage modernes tels que les photoscreeners (photovideo-refracteurs) qui permettent de réserver l’examen ophtalmologique et la skiascopie au diagnostic et uniquement chez les enfants qui le nécessitent.

A la lumière des données récentes concernant leur fiabilité, et d’une revue exhaustive de la littérature internationale sur le sujet, l’AFSOP a abouti à un consensus sur les recommandations de dépistage des troubles visuels de l’enfant.

Un résumé est donné ci-dessous. Il vise à donner un cadre et des recommandations de bonnes pratiques basé sur les données actuelles de connaissances scientifiques.

Etat des lieux :

15% des enfants présentent un trouble visuel survenant avant l’âge de 6 ans dont 70% sont liés à un trouble réfractif et 30% à un strabisme. Exceptionnellement (1 %), ce trouble visuel est lié à une pathologie oculaire potentiellement cécitante.

Le risque de ces troubles visuels est avant tout l’amblyopie qui peut survenir dans 30% des cas soit 3 à 5% de la population d’une classe d’âge. Elle peut provoquer la perte définitive de vision d’un œil si elle est diagnostiquée tardivement (après 6 ans). Elle est accessible à un traitement simple si réalisé précocement, voire à une prévention dans les situations qui y mènent. Elle multiplie les risques de cécité à l’âge adulte, et influe négativement sur la Qualité de Vie.

Par ailleurs les troubles visuels peuvent provoquer des atteintes plus générales sur le développement, les apprentissages, la scolarité ou le comportement de l’enfant.

Dans 75% des cas, l’enfant ne se plaint pas et les troubles visuels sont asymptomatiques. Puisqu’ils nécessitent un diagnostic précoce pour mettre en place un traitement efficace, ceci justifie pleinement un dépistage visuel précoce et systématique chez tous les enfants d’une classe d’âge.

Ce dépistage doit toutefois être raisonné et confié aux professionnels compétents en fonction du risque présenté par l’enfant, du dépistage au diagnostic puis au traitement. Un contrôle ophtalmologique de tous les enfants n’est pas réalisable en pratique et non justifié sur le plan épidémiologique. Les ophtalmologistes s’appuient donc beaucoup sur les consultations systématiques des médecins traitants, pédiatres, PMI, médecins scolaires, pour différencier et orienter les enfants nécessitant un contrôle ophtalmologique plus ou moins rapide, de ceux nécessitant un contrôle visuel simple mais complet, réalisé par eux même ou un orthoptiste.

L’orthoptiste peut orienter un enfant vers l’ophtalmologiste si besoin, plus ou moins rapidement selon les cas pour diagnostic et mise en route d’un traitement.

But de ces recommandations :

  1. Sensibiliser aux signes d’appel motivant un examen ophtalmologique rapide à tout âge.

  2. Permettre un diagnostic précoce de toute pathologie organique (1%)

  3. Permettre une prévention de l’amblyopie fonctionnelle dans les situations à risque après examen  ophtalmologique systématique précoce (3 à 5%)

  4. Isoler dans la population générale les enfants à risque de présenter des troubles visuels, (10 à

    15%)

    • Anomalie de réfraction ou strabisme dans plus de 99% des cas si les situations ci-dessus ont  été isolées préalablement.

    • A un âge où un examen fiable et simple est possible et où l’amblyopie fonctionnelle est  facilement évitable ou accessible à un traitement

1) En cas dé signés d’appél Ophtalmologiqué, à n’importé quél âgé. 

Retrouvés lors des examens médicaux systématiques ou non de l’enfant, à n’importe quel âge et dès la naissance :

  • Age Préverbal : anomalie d’examen clinique, strabisme, nystagmus, torticolis, anomalie du comportement visuel

  • Auxquels se rajoutent ensuite : céphalées, diplopie, symptomatologie oculaire ➢ Examen ophtalmologique, même en cas de simple doute, à tout âge

2) Population d’énfants « à risque » d’amblyopié organique  précoce

Cette population est identifiée par les médecins en charge du nouveau-né : Pédiatre, Médecins généralistes, PMI, Gynécologues, et parfois par les familles elles-mêmes :

  • Antécédents familiaux de maladies oculaires potentiellement héréditaires et congénitales (cataracte congénitale, glaucome congénital, rétinoblastome, malformations oculaires...)

  • Prématurité < 31 semaines et/ou petit poids de naissance< 1250g (ROP)

  • Craniosténoses héréditaires

  • Infections materno-fœtales

    ➢ Un examen ophtalmologique avec FO est nécessaire durant le 1er mois de vie

3) Population d’énfants « à risque » d’amblyopie fonctionnelle

Cette population est identifiée par les médecins en charge du nourrisson : Pédiatre, Médecins généralistes, PMI, et parfois par les familles elles-mêmes :

  • Antécédents familiaux au 1er degré d’amétropie forte apparue dans la petite enfance, de strabisme, de nystagmus ou d’amblyopie.

  • Prématurité < 37 semaines et/ou petit poids de naissance< 2500g

  • Souffrance neurologique néonatale et séquelles ultérieures (IMC, retard PM)

  • Anomalies chromosomiques, notamment la T21

  • Craniosténoses et malformations de la face

  • Exposition toxique durant la grossesse (tabac, alcool, cocaïne)

  • Pathologie générale avec atteinte oculaire ou neuro ophtalmologique potentielle

  • Autres handicaps neurosensoriels

    ➢ Examen ophtalmologique avec skiascopie sous cycloplégie et FO systématique entre 12 et 15 mois

    Nb : Le cyclopentolate peut être utilisé dès l’âge de 12 mois, dans le cadre d’une consultation médicale (VIDAL 2019).

4) Dépistage dans la population générale (sans facteur de risqué ni signés d’appéls = 90 à 95% de la classe d’age)

Un examen de dépistage est fortement recommandé durant la 3e année (1ere année de maternelle). Il devrait dans l’idéal être réalisé par un professionnel de santé équipé et compétent pour réaliser l’ensemble des tests ci-dessous. Il semble que les orthoptistes soient les professionnels les plus indiqués.

Le choix de la 3e année de vie permet de réaliser des tests subjectifs (acuité visuelle) en complément des tests objectifs (photoscreening, test de l’écran). Il permet aussi de dépister à un âge où le traitement de plus de 95% des amblyopies reste simple.

La combinaison des 3 tests ci-dessous augmente considérablement la sensibilité et la spécificité du dépistage en recherchant de manière simultanée Amblyopie (AV), strabisme (TDE) et trouble de la réfraction (photoscreening). Les valeurs données ne sont valables que si les 3 tests sont confrontés.

Une anomalie sur un seul des trois tests justifie l’adressage à un ophtalmologiste.

Cet adressage à un ophtalmologiste doit être plus ou moins rapide selon la situation, dans l’idéal, moins de

  • 1 mois en cas d’amblyopie,

  • 3 mois en cas de trouble visuel sans amblyopie

a) Acuité Visuelle (pour dépistér l’amblyopié)

Elle doit être évaluée avec une échelle et une méthode adéquate pour être valide

  • Echelle validée et à progression logarithmique (Lea et/ou HOTV par exemple)

  • À une distance de 3 mètres,

  • Présentation d’optotypes en ligne ou isolés mais avec barres d’encadrement

  • En monoculaire

A réitérer une fois en cas de doute.
➢ Résultat normal (3e année) : AV > ou égale à 5/10 à chaque œil, avec au plus une ligne  d’écart interoculaire.

b) Tést dé l’écran (pour dépister un strabisme) Sur optotype, en fixation en vision de loin et de près

Tolérance 0 ou minime exophorie de près

c) PhotoVidéoRéfraction (photoscreening) (pour dépister un trouble réfractif)

Mesures évaluées avec un appareil de mesure de préférence binoculaire simultanée, avec seuil de sensibilité adapté et cylindre en positif (pour ne pas surévaluer les sphères positives).

Les principaux photoscreeners binoculaires actuellement sur le marché :

  • Spot Vision Screener©
  • PlusOptix©
  • 2win©

Ces appareils présentent comme avantage par rapport aux appareils de mesure de la réfraction automatique monoculaire type Retinomax© de réaliser des mesures à distance, donc en sollicitant moins l’accommodation. Ce sont des appareils de dépistage et ils ne peuvent aucunement servir à la prescription de correction optique.

  • Les appareils de mesure de réfraction automatique monoculaires portables type Retinomax© sont des appareils moins adaptés au dépistage. Nous recommandons qu’ils soient réservés à la mesure diagnostique de la réfraction sous cycloplégie.

  • Aucune application pour smartphones n’a, à ce jour, reçu de validation scientifique.

➢ Valeurs tolérées lors du dépistage réfractif par photoscreening durant la 3e année si association avec la mesure de l’Acuité Visuelle. Au dela, un contrôle de la réfraction sous cycloplégie et de l’examen oculaire est nécessaire chez un ophtalmologiste

  • Myopie<-3D
  • Hypermétropie<+2.5
  • Astigmatisme<1.5D
  • Anisométropie<1D

En résumé

  1. Signes d’appel (à tout âge)

    Professionnel de santé => Examen ophtalmologique rapide

  2. Population à risque de pathologie organique précoce

    Professionnel de santé => examen ophtalmologique rapide (1er mois de vie)

  3. Population à risque d’amblyopie fonctionnelle

    Professionnel de santé => examen ophtalmologique et cycloplégie à 12 mois + (réfraction sous cyclopentolate).

  4. Population générale (sans facteur de risque ni signes d’appels)

➢  Examen visuel systématique durant la 3e année. Réfraction sous cycloplégie et FO uniquement en cas d’anomalies retrouvée lors du dépistage :

Acuité visuelle < 5/10 ODG, ou plus d’1 ligne d’écart interoculaire.

Test de l’écran : toute anomalie (tolérance X’ < 6)

Photoscreening :

Sphère ou équivalent sphérique < -3D ou > +2.5D

Astigmatisme > 1.5D

Anisométropie > 1D

➢  Délai souhaitable d’examen ophtalmologique en cas de dépistage positif :

1 mois en cas d’amblyopie

Autour de 3 mois sans amblyopie

ANNEXE

1. Valeurs seuil én fonction dé l’âgé justifiant un adressage pour examen ophtalmologique lors de mesures de photoscreening :

Quand un enfant bénéficie d’un dépistage en dehors de la 3e année en dehors de tout signe fonctionnel, pathologie visuelle ou facteur de risque, les valeurs d’amétropie retrouvées pouvant justifier un contrôle de la réfraction par un ophtalmologiste varient selon l’âge en raison du processus d’emmétropisation spontanée.

Si tout est par ailleurs normal, les valeurs limites retrouvées en photoscreening sans cycloplégie sont données ci-dessous en fonction de l’age. Au-delà, un contrôle de la réfraction sous cycloplégique est souhaitable. Puisqu’il s’agit de mesures isolées, sans AV ou test de l’ecran, les valeurs données à 3 ans sont plus larges que dans le protocole ci-dessus.

2. Valeurs seuil de réfraction sous cycloplégique pouvant entrainer un trouble visuel et justifiant la prescription systématique d’uné CO par l’ophtalmologisté en dehors de tout trouble visuel associé :

Bien entendu, en cas de trouble du comportement visuel, de strabisme, d’amblyopie, l’ophtalmologiste est juge de la nécessité de la correction optique quelle que soit l’amétropie mesurée.

Sources: Dépistagé dés troublés visuéls dé l’énfant. Misé au point dé l’AFSOP – Juin 2019