Analogues de l'insuline à action (ultra-)prolongée comparés à l'insuline NPH (insuline isophane humaine) pour les adultes atteints de diabète sucré de type 2

Rédigé le 29/01/2021

Date de publication: 

9 November 2020
Auteurs: 
Semlitsch T, Engler J, Siebenhofer A, Jeitler K, Berghold A, Horvath K
Groupe de Revue Principal: 

Introduction

Le diabète sucré de type 2 est une maladie progressive, ce qui signifie que de plus en plus de médicaments hypoglycémiants sont nécessaires pour atteindre les taux d'hémoglobine glycosylée A1c (HbA1c) recommandés, au fur et à mesure que la maladie dure. Le test d’HbA1c mesure le taux de glucose dans le sang sur une période de deux à trois mois. À terme, de nombreuses personnes auront besoin d'un traitement à l'insuline. Le traitement par insuline est souvent effectué en administrant des insulines basales humaines une ou deux fois par jour. Les insulines basales sont des insulines à action prolongée et à retardement qui couvrent les besoins de base de l'organisme en insuline. Des insulines d’action rapide sont utilisées pour couvrir les repas. Les effets secondaires les plus courants du traitement par insuline sont l'hypoglycémie et la prise de poids. De nouvelles insulines synthétiques, appelées analogues de l'insuline à action (ultra-)prolongée, ont été mises au point dans le but de minimiser les effets secondaires et de permettre un meilleur contrôle de la glycémie.

Problématique de la revue

Nous voulions comparer les effets d'un traitement par analogues de l'insuline à action (ultra-)prolongée avec l'insuline NPH (neutre protamine Hagedorn) (insuline isophane humaine).

Date de la recherche

Les données probantes sont à jour jusqu'au 5 novembre 2019.

Contexte

Il reste incertain dans quelle mesure les analogues de l'insuline à action (ultra-)prolongée présentent plus de bénéfices ou moins de risques que l'insuline NPH.

Caractéristiques des études

Les 24 études incluses étaient des essais contrôlés randomisés (études cliniques dans lesquelles les personnes sont assignées au hasard à l'un des deux groupes de traitement ou plus). Seize études ont comparé l'insuline glargine à action prolongée à l'insuline NPH et huit études ont comparé l'insuline detemir à action prolongée à l'insuline NPH. Dans ces études, 3419 personnes atteintes de diabète sucré de type 2 ont été randomisées pour l'insuline glargine et 1321 personnes pour l'insuline detemir. La durée des études variait de 24 semaines à 5 ans.

Principaux résultats

Les différentes insulines ont réduit l'HbA1c de manière similaire.

Le traitement par insuline glargine ou par insuline detemir au lieu de l'insuline NPH a permis de réduire le nombre de personnes souffrant d'hypoglycémie. Le traitement par insuline detemir a réduit le risque d'hypoglycémie grave. Cependant, les hypoglycémies graves n'ont été que rarement observées dans les études, chez moins d'une personne sur 100 traitée par insuline detemir et chez environ une personne sur 100 traitée par insuline NPH. Environ une personne sur cent traitée par insuline detemir au lieu de l'insuline NPH en a bénéficié.

Les informations sur les complications liées au diabète (telles que les maladies cardiaques, les maladies rénales, les lésions de la rétine et les amputations), les décès de toute cause et la qualité de vie liée à la santé étaient rares. Lorsqu'ils étaient disponibles, les résultats d'études n'ont pas suggéré de différences claires entre les analogues de l'insuline et l'insuline NPH.

Il n'y avait pas de différence nette entre les analogues de l'insuline et l'insuline NPH pour les effets secondaires ou la prise de poids.

Aucune des études incluses n'a rapporté d'effets socio-économiques (tels que les coûts de l'intervention, l'absence au travail, la consommation de médicaments).

Niveau de confiance des données probantes

Dans les études, des valeurs cibles très basses de glycémie et d'HbA1c ont été fixées. Cependant, les médecins recommandent souvent des objectifs plus élevés pour les personnes ayant de longs antécédents de diabète de type 2, ayant eu une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral, ou qui sont âgées. Avec des valeurs cibles plus élevées, les hypoglycémies sont moins fréquentes et il faut traiter davantage de personnes avec des analogues de l'insuline au lieu de l'insuline NPH pour prévenir l'hypoglycémie chez une personne. Par conséquent, les résultats de l'étude ne sont applicables qu'aux personnes qui sont traitées à des valeurs cibles de glucose sanguin aussi basses.

Dans de nombreuses études, un ajustement adéquat de l'insuline NPH n'était pas possible. Cependant, les médecins le feront dans leur pratique quotidienne. On s'attend donc à une nouvelle diminution du bénéfice des analogues de l'insuline.

Dans toutes les études sauf une, le traitement durait 12 mois ou moins. Cependant, les complications liées au diabète ne se développent généralement qu'après de nombreuses années. Ainsi, la plupart des études n'ont pas pu répondre à la question importante de savoir si le traitement par différentes préparations d'insuline a des effets différents sur les complications liées au diabète. Cela signifie que des différences potentiellement importantes entre les analogues de l'insuline et l'insuline NPH n'ont pas été détectées.

Toutes les études ont connu des problèmes dans la manière dont elles ont été menées.

Conclusions des auteurs: 

Si les effets sur l'HbA1c étaient comparables, le traitement par l'insuline glargine et l'insuline detemir a entraîné une diminution du nombre de participants souffrant d'hypoglycémie par rapport à l'insuline NPH. Le traitement par insuline detemir a également réduit l'incidence des hypoglycémies graves. Toutefois, les hypoglycémies graves étaient rares et l'effet de réduction du risque absolu était faible. Environ une personne sur cent traitée par insuline detemir au lieu de l'insuline NPH en a bénéficié.

Dans ces études, des cibles basses de glycémie et d'HbA1c, correspondant à des taux de glycémie proches de la normale ou même non diabétiques ont été fixées. Par conséquent, les résultats de ces études ne sont applicables qu'aux personnes chez qui ces faibles glycémies sont visées. Toutefois, les lignes directrices actuelles recommandent une baisse moins intensive de la glycémie pour la plupart des personnes atteintes de diabète de type 2 dans leur pratique quotidienne (par exemple, les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires, les personnes ayant de longs antécédents de diabète de type 2, étant susceptibles aux hypoglycémies ou les personnes âgées). En outre, des données probantes d’un niveau de confiance faible et les la conception des essais non conformes à la pratique clinique actuelle font qu'il n'est pas certain que les mêmes effets seront observés dans la pratique clinique quotidienne. La plupart des essais n'ont pas rapporté les critères de jugement pertinents pour les patients.

Contexte: 

Les données probantes indiquant que la thérapie hypoglycémiante est bénéfique pour les personnes atteintes de diabète de type 2 sont contradictoires. Même si l'étude prospective sur le diabète au Royaume-Uni (United Kingdom Prospective Diabetes Study, UKPDS) a conclu qu'un contrôle plus strict de la glycémie était positif, d'autres études, comme l'essai ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes), ont constaté que les effets d'une thérapie intensive visant à abaisser la glycémie à des niveaux proches de la normale étaient plus néfastes que bénéfiques. Les résultats d'études ont également montré des effets différents pour les différents médicaments hypoglycémiants, indépendamment des niveaux de glucose sanguin atteints. Par conséquent, il est impossible de tirer des conclusions définitives sur l'effet des interventions sur les critères de jugement pertinents pour le patient à partir du seul effet de ces interventions sur la concentration de glucose dans le sang. En théorie, l'utilisation d'analogues de l'insuline plus récents pourrait entraîner une diminution des événements macrovasculaires et microvasculaires.

Objectifs: 

Comparer les effets d'un traitement de longue durée avec des analogues de l'insuline à action (ultra-)prolongée (insuline glargine U100 et U300, insuline detemir et insuline degludec) avec ceux de l'insuline NPH (neutre protamine Hagedorn) (insuline isophane humaine) chez des adultes atteints de diabète sucré de type 2.

Stratégie de recherche documentaire: 

Pour la mise à jour de cette revue Cochrane, nous avons effectué des recherches sur CENTRAL, MEDLINE, Embase, le portail de recherche ICTRP et ClinicalTrials.gov. La dernière recherche date du 5 novembre 2019, à l'exception de la recherche dans Embase qui a eu lieu le 26 janvier 2017. Nous n’avons appliqué aucune restriction de langue.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant les effets du traitement par des analogues de l'insuline à action (ultra-)prolongée à l'insuline NPH chez des adultes atteints de diabète sucré de type 2.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont indépendamment sélectionné les essais, évalué le risque de biais, extrait les données et évalué le niveau de confiance global des données probantes en utilisant GRADE. Les essais ont été regroupés à l'aide de méta-analyses à effets aléatoires.

Résultats principaux: 

Nous avons identifié 24 ECR. Parmi ceux-ci, 16 essais ont comparé l'insuline glargine à l'insuline NPH et huit essais ont comparé l'insuline detemir à l'insuline NPH. Dans ces essais, 3419 personnes atteintes de diabète sucré de type 2 ont été randomisées pour l'insuline glargine et 1321 personnes pour l'insuline detemir. La durée des essais inclus variait de 24 semaines à cinq ans. Pour les études comparant l'insuline glargine à l'insuline NPH, les valeurs cibles allaient de 4,0 mmol/L à 7,8 mmol/L (72 mg/dL à 140 mg/dL) pour la glycémie à jeun (GàJ), de 4,4 mmol/L à 6,6 mmol/L (80 mg/dL à 120 mg/dL) pour la glycémie nocturne et moins de 10 mmol/L (180 mg/dL) pour la glycémie postprandiale, le cas échéant. Les valeurs cibles de glycémie et d'hémoglobine glycosylée A1c (HbA1c) pour les études comparant l'insuline detemir à l'insuline NPH allaient de 4,0 mmol/L à 7,0 mmol/L (72 mg/dL à 126 mg/dL) pour la GàJ, moins de 6.7 mmol/L (120 mg/dL) à moins de 10 mmol/L (180 mg/dL) pour la glycémie postprandiale, 4,0 mmol/L à 7,0 mmol/L (72 mg/dL à 126 mg/dL) pour la glycémie nocturne et 5,8 % à moins de 6,4 % d’HbA1c, le cas échéant.

Tous les essais présentaient un risque de biais peu clair ou élevé pour plusieurs domaines à risque de biais.

Dans l'ensemble, l'insuline glargine et l'insuline detemir ont permis de réduire le nombre de participants souffrant d'hypoglycémie par rapport à l'insuline NPH. Les changements d'HbA1c étaient comparables pour les analogues de l'insuline à action prolongée et l'insuline NPH.

L'insuline glargine comparée à l'insuline NPH avait un risque relatif (RR) d'hypoglycémie grave de 0,68 (intervalle de confiance (IC) à 95% 0,46 à 1,01 ; P = 0,06 ; réduction du risque absolu (RRA) -1,2%, IC à 95% -2,0 à 0 ; 14 essais, 6164 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Le RR pour l'hypoglycémie grave était de 0,75 (IC à 95% 0,52 à 1,09 ; P = 0,13 ; RRA -0,7%, IC à 95% -1,3 à 0,2 ; 10 essais, 4685 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Le traitement par insuline glargine a réduit l'incidence des hypoglycémies confirmées et des hypoglycémies nocturnes confirmées.

Le traitement par l'insuline detemir par rapport à l'insuline NPH a permis de constater un RR pour l'hypoglycémie sévère de 0,45 (IC à 95% 0,17 à 1,20 ; P = 0,11 ; RAR -0,9%, IC à 95% -1,4 à 0,4 ; 5 essais, 1804 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Le rapport des cotes de Peto pour les hypoglycémies graves était de 0,16, IC à 95% 0,04 à 0,61 ; P = 0,007 ; RRA -0,9%, IC à 95% -1,1 à -0,4 ; 5 essais, 1777 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Le traitement par detemir a également réduit l'incidence des hypoglycémies confirmées et des hypoglycémies nocturnes confirmées.

Les informations sur les critères de jugement pertinents pour les patients, tels que les décès de toute cause, les complications liées au diabète, la qualité de vie liée à la santé et les effets socio-économiques, étaient insuffisantes ou manquantes dans presque tous les essais inclus. Pour les critères de jugement pour lesquels certaines données étaient disponibles, il n'existait pas de différences significatives entre le traitement par glargine ou detemir et le traitement avec NPH. Il n'y avait pas de différence nette entre les analogues de l'insuline et l'insuline NPH en termes de prise de poids.

L'incidence des événements indésirables était comparable pour les personnes traitées par glargine ou detemir, et les personnes traitées par NPH.

Nous n'avons pas trouvé d’essai comparant l'insuline à action ultra-prolongée glargine U300 ou l'insuline degludec à l'insuline NPH.